Les
quatre Évangiles racontent la rencontre du Christ ressuscité au matin
de Pâques, mais chaque récit met l’accent sur un angle particulier pour
tenter de décrire ce qui dépasse l’expérience humaine
Que disent les évangiles ?
L’iconographie
occidentale s’est plu à représenter le Christ surgissant victorieux du
tombeau, un étendard à la main. Mais les Évangiles, eux, sont restés
silencieux sur cet événement, rapportant uniquement les rencontres des
femmes au tombeau et des disciples avec le Ressuscité. « Il n’y a pas de
témoin de la Résurrection, mais des témoins du Ressuscité, résume le
P. Jean-François Baudoz, professeur d’exégèse à l’Institut catholique de
Paris. Car la Résurrection dépasse toute expérience humaine. Elle est
comme la Création dont nous constatons le résultat sans que nul n’ait
été témoin de l’acte créateur. Le “comment” nous échappe. » D’ailleurs,
remarque l’exégète, l’Évangile selon saint Jean situe la scène du matin
de Pâques dans un jardin, comme pour évoquer un nouvel Éden où le Christ
ressuscité recrée l’humanité tombée dans le péché avec Adam.
Quelle est la « pointe » de chaque Évangile ?
.
Que disent les évangiles ?

Les quatre Évangiles sont d’accord sur
l’essentiel : le rôle décisif des femmes au tombeau au matin de Pâques ;
le tombeau ouvert – qui ne prouve pas la Résurrection, mais en figure,
en négatif, le signe principal – ; la rencontre avec la communauté des
disciples le jour de Pâques ; la reconnaissance de Jésus ressuscité ;
l’envoi en mission. Mais au-delà de ces points communs, tout lecteur
remarquera d’emblée la diversité des Évangiles de la Résurrection.
Ainsi, Luc ne parle que des apparitions à Jérusalem, tandis que Jean et
Matthieu évoquent aussi celles de Galilée…
Pourquoi une telle
diversité ?
Ces récits sont issus de
traditions orales diverses, destinés à des communautés chrétiennes elles-mêmes
différentes. Mais, s’ils ne se recoupent pas pleinement, ils ne se contredisent
pas pour autant, chacun offrant un regard singulier sur le Christ ressuscité.
Signe, note le P. Baudoz, de « la diversité du christianisme dès son
origine ». Or, en apportant chacun un éclairage singulier sur le Christ,
ces récits permettent de dire le paradoxe du Ressuscité. Ainsi, dans certains
textes, les disciples reconnaissent le Christ d’emblée, dans d’autres, non…
Chez Luc, il doit manger un morceau de poisson pour prouver à ses disciples
qu’il n’est pas un esprit ou, chez Jean, inviter Thomas à toucher ses plaies.
« La dialectique [entre reconnaissance et non-reconnaissance du Christ]
qui fait partie de l’essence du Ressuscité, remarque Benoît XVI dans le
deuxième tome de Jésus de Nazareth (1), est présentée dans les récits de
manière vraiment maladroite. Et c’est ainsi justement que ressort leur
véridicité. » Ainsi cette ambivalence atteste que Jésus est bien
ressuscité en chair et en os, mais qu’il est aussi entré aussi dans un type
d’existence nouvelle. « Il est aussi proche et intime qu’avant sa mort, et
en même temps tout autre, relève le P. Yves-Marie Blanchard, professeur
d’exégèse à l’Institut catholique de Paris. Il nous échappe alors que nous
voudrions le retenir. » La Résurrection est, selon le théologien,
« ce mystère d’une présence qui est aussi une forme d’absence ».
Autre exemple similaire : dans l’Évangile selon saint Jean, l’Esprit est
donné le soir même de Pâques. Luc, lui, déploie le mystère pascal sur cinquante
jours, jusqu’à la Pentecôte. La Tradition de l’Église a retenu le calendrier de
Luc. Mais l’Évangile de Jean rappelle ainsi que le don de l’Esprit n’est pas un
ajout à l’événement pascal : il lui est intimement lié. La Résurrection de
Jésus provoque la venue de son Esprit.
Quelle est la « pointe » de chaque Évangile ?
L’ Évangile de Matthieu voit
dans la Résurrection la fondation de l’Église. Jésus envoie ses
disciples baptiser les nations « au nom du Père et du Fils et du
Saint-Esprit », « leur apprenant à observer tout ce que je vous ai
prescrit ». Lui qui avait dit à Pierre un peu plus tôt : « Tu es Pierre
et sur cette pierre je bâtirai mon Église » (Mt 16,18-19), renouvelle sa
promesse d’être avec ses disciples « pour toujours jusqu’à la fin du
monde » (Mt 28,16-20).
Luc adopte
plutôt le point de vue du disciple : la joie de la bonne nouvelle du
salut, qui rejoint les disciples sur leur route (Emmaüs). Le Christ
ressuscité est toujours présent à sa communauté par sa parole et par la
fraction du pain.
Pour Marc,
la résurrection inaugure une mise en route missionnaire vers la
Galilée. À noter que la dernière partie de l’Évangile est un ajout
tardif, bien qu’elle ait été retenue dans le canon des Écritures. Le
texte initial s’arrêtait sur la stupeur et le silence des femmes au
tombeau. La version longue (Mc 16,9-20) montre qu’elles ont finalement
osé parler de ce qu’elles avaient vu, lançant la communauté dans la
mission.
Chez Jean,
le récit de la Résurrection est inséparable de celui de la Passion.
D’une part, explique le P. Blanchard, la Croix, lieu de la mort, est
déjà montrée du point de vue de la gloire du Ressuscité, comme l’indique
en particulier la souveraine liberté de Jésus face à Pilate. D’autre
part, la Résurrection n’efface pas la Passion – le tombeau ouvert, les
plaies en creux du Ressuscité sont autant de signes qui rappellent la
Croix – mais elle en manifeste le sens : « La puissance éblouissante du
Ressuscité, souligne le théologien, continue de se dire dans l’humilité
des plaies creuses. La Croix n’est pas l’anéantissement du juste mais la
victoire de Dieu sur toute forme de violence et de mort. »
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