*Par Vincent Leclair
Sur le parking du centre pénitentiaire, devant le local d’accueil des familles en attente de parloir, deux enfants se poussent en riant sur un tricycle… Une jeune femme désemparée pleure au téléphone.
Que devient la famille lorsque l’un de ses membres se retrouve en prison ? Chacun, dans le cercle familial, s’en trouve atteint, bouleversé. Il y a le point de vue de celui qui est enfermé, privé de lien physique, de relations. Il est pourtant tellement dépendant du soutien moral, affectif, et matériel que peut lui procurer son entourage. L’absence de famille se révélera plus cruelle. Il peut aussi se trouver ou se croire abandonné, dès le début ou peu à peu, par une famille qui ne comprend pas, n’accepte pas, qui se sent trahie ou blessée dans son honneur, qui a honte, qui n’a pas la disponibilité ou les moyens. Un conjoint pourra, légitimement ou non, se convaincre que cette vie est impossible, sans avenir, et s’éloigner. Sans parler de situations où l’incarcération a des causes à l’intérieur de la famille. Il y a encore, pour le détenu, le sentiment de culpabilité de faire peser tant de difficultés sur ses proches: « Moi, j’ai ce que je mérite, mais eux, ils n’ont rien fait. »
Pour l’entourage, c’est une foule d’éléments à gérer, comme autant de défis à relever : Le retour sur soi-même, sa responsabilité ; le regard, le jugement, l’éloignement des autres; la honte et le déshonneur ressentis ; l’incompréhension de l’acte commis ou du jugement prononcé ; l’absence, souffrance inexplicable et injustifiable pour l’enfant. Mais c’est aussi : la nécessité d’écrire régulièrement, d’être près du téléphone au bon moment, d’être disponible pour se rendre au parloir, d’y faire bonne figure pour ne pas inquiéter, de laver, repasser et fournir le linge, d’envoyer des mandats alors qu’il faut se priver de revenus que le détenu pouvait apporter. C’est encore et surtout la difficulté de tenir dans la durée.
L’incarcération est une épreuve de vérité pour la famille. Il faut l’affronter, avec ses grandeurs et ses misères. La prison peut détruire des familles unies. Elle peut précipiter l’explosion d’une famille en difficulté. Elle est un danger. Elle peut aussi être l’occasion d’un dépassement. La famille peut se révéler, grandir dans l’adversité, y découvrir et y consolider son unité, sa fidélité.
L’épreuve de l’incarcération de l’un de ses membres devrait être l’occasion pour chaque famille de trouver du soutien, d’être entourée. Elle reste le premier recours pour aider à la réinsertion. Elle n’en est bien souvent pas capable seule. Comment le pourrait-elle ? Dans ce lieu et ce moment particuliers se révèle la nécessité d’une société attentive, à ceux qu’elle sanctionne parfois lourdement, comme à leur entourage qu’elle ne devrait pouvoir abandonner.
Vincent Leclair est laïc, marié, père de trois enfants. Il est aumônier au centre pénitentiaire de Béziers et aumônier général catholique des prisons.
Source : http://www.blogfamilles2011.fr/?category/Soufrances
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