A quoi sert l'Ancien Testament ?

A quoi sert l'Ancien Testament ?

P. Yves-Marie Blanchard

1. L'Ancien Testament, c'est-à-dire les livres saints reçus d'Israël (selon la version grecque dite des "Septante"), constitue la première Ecriture chrétienne : - non seulement au Ier siècle, durant la rédaction des écrits apostoliques (ainsi, en 95, Clément de Rome, évoquant la mort de Jésus, ne fait aucune allusion au récit de la passion, mais cite abondamment les chants du Seigneur souffrant, au livre d'Isaïe) ; - mais encore tout au long des IIe et IIIe siècles, alors que les écrits du Nouveau Testament sont bien connus et souvent évoqués, mais non encore totalement reçus comme Ecriture sainte ; - et cela malgré la tentative de Marcion (IIe siècle) d'éliminer l'Ancien Testament et d'expurger, dans les livres du Nouveau Testament, tout ce qui pourrait évoquer l'héritage d'Israël et la judaïté de Jésus. On le voit, dès l'origine, le christianisme accorde la plus grande importance aux Ecritures d'Israël, reconnues comme Ancien Testament, du jour où les écrits apostoliques ont eux-mêmes acquis leur statut d'Ecriture Sainte ou Nouveau Testament. 2. La Révélation chrétienne reconnaît dans l'histoire biblique la figure exemplaire de l'humanité, engagée dans l'Alliance, c'est-à-dire la relation au Dieu tout autre, en même temps qu'infiniment proche et attentif à sa création. Or, cette histoire forme un tout et n'est signifiante qu'en tant que telle. Il est hors de question de l'amputer d'une partie d'elle-même ou de la réduire au seul récit de la vie de Jésus. Loin d'être un événement isolé, l'Incarnation du Fils de Dieu constitue le sommet de toute une histoire, qu'elle accomplit en même temps qu'elle la dépasse. De la sorte, la Bible constitue un ensemble cohérent. Elle atteste le déroulement de l'histoire sainte, dans la continuité du plan de Dieu, mais aussi les lenteurs ou les reculs imputables aux faiblesses humaines. Si le projet de Dieu met en œuvre une certaine avancée, on ne peut pour autant parler d'un progrès linéaire, qui suffirait à disqualifier les étapes précédentes. De plus, la pluralité des couches rédactionnelles interdit d'identifier purement et simplement tel texte avec telle étape clairement définie. Bref, tous les textes bibliques apportent leur part d'éclairage à l'histoire du salut, culminant dans la Pâque de Jésus, mais constituant un parcours global, dont l'interprétation implique la prise en compte de l'ensemble du processus. 3. De fait, le Nouveau Testament serait incompréhensible, sans une certaine familiarité avec l'Ancien Testament. Non seulement les allusions et citations de l'Ancien Testament sont innombrables et constituent quasiment la trame d'un certain nombre de récits, mais tous les mots-clés ne s'éclairent qu'à partir de leur propre développement dans des contextes divers. Ainsi, par exemple, du mot "Christ" ou "Messie", évoquant l'onction royale, habilitant David et ses successeurs dans leur mission de rassembler le peuple de Dieu, avant que les insuffisances de l'institution royale n'aient fait pressentir la venue d'un envoyé divin (le Messie), en charge du Règne de Dieu dans sa plénitude achevée. Cette référence constante à l'Ancien Testament est constitutive de l'écriture néo-testamentaire (voir 1 Co 15, 3-4 : "Christ, mort pour nos péchés… ressuscité le troisième jour… selon les Ecritures"). Elle en constitue, à proprement parler, la langue, en dehors de laquelle l'énoncé risque de demeurer parfaitement hermétique. C'est bien cette relation, à la fois contraignante et inspirante, qu'on appelle l'accomplissement des Ecritures.

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