Sur la route qui nous mène vers Pâques et les célébrations baptismales, l’eau est le thème central des lectures de ce 3e dimanche de Carême, notamment dans la 1ère lecture : eau jaillie du rocher frappé par Moïse, que Dieu donne à son peuple lors de la traversée du désert. Et dans l’Evangile de Saint Jean : Eau vive, source jaillissante pour la vie éternelle que Jésus propose à la Samaritaine. Saint Jean nous dévoile ici tout le mystère du don de Dieu. Ce mystère est sous le symbole de l’eau qui féconde la terre et donne la vie au monde.
Jésus se présente au puits de Jacob comme celui qui est fatigué par la route, qui a soif, qui a besoin d’aide. La chaleur du midi est écrasante, il s’assied sur la margelle. «Arrive une femme de Samarie qui venait puiser de l’eau.» Jésus lui dit : « Donne-moi à boire.» Jésus ne domine pas, ne s’impose pas, il cherche le contact. Sa demande d’eau prend la Samaritaine par surprise. Or la Samarie pour les juifs de Galilée ou de Judée, est une région qu’on ne fréquente pas, comme il est dit dans l’évangile que nous venons d’entendre : « Les juifs ne veulent rien avoir en commun avec les samaritains », bien que ce soient leurs frères de longue date. Mais les juifs considéraient les samaritains comme des hérétiques, parce qu’ils n’adoraient pas Yahvé dans le Temple de Jérusalem, et ils les traitaient comme des idolâtres et des païens, qui avaient mélangé le culte du Seigneur avec des cultes cananéens ou des cultes d’autres régions du Moyen-Orient À cause de cette haine qui existait entre les Juifs et les Samaritains, les Juifs contractaient une impureté légale s’ils acceptaient un simple verre d’eau de la part des Samaritains,. D’où la question de la Samaritaine lorsque Jésus lui demande : «Donne-moi à boire» : «Comment, toi qui es Juif, tu me demandes à boire?»
Cette femme de Samarie vient puiser de l’eau à l’heure de midi. Nous qui habitons une région chaude et ensoleillée, nous savons bien que dans une région aride comme la Samarie on évite de sortir et de s’exposer ainsi en plein soleil, au plus chaud du jour. Si cette femme vient puiser en plein midi, seule, on pourrait penser que c’est parce qu’elle fuit les habitants de la ville de Sychar. Elle ne vient pas le matin tôt, ni le soir pour ne pas rencontrer les autres femmes qui viennent s’approvisionner au même puits. On peut penser que c’est une femme qui n’est pas bien acceptée, qui est rejetée par les habitants du village. Enfin, et c’est Jésus qui nous le révèle, une des raisons pour lesquelles elle vient puiser seule, à l’heure de midi, c’est que cette femme a eu cinq maris, et même un sixième, si l’on compte l’actuel qui n’est même pas son mari.! À cause de cela, la femme de Sykar choisit, pour aller au puits, une heure où elle ne risque pas d’être la moquerie des autres femmes. Avec son passé tourmenté, la Samaritaine est une femme abîmée, meurtrie. Elle a été le jouet qui a servi à une demi-douzaine d’hommes. Cependant, c’est à elle que le Seigneur va dévoiler son secret. Elle est choisie pour recevoir la confidence de Jésus sur lui-même et devenir un témoin privilégié de son identité.
Lorsque Jésus révèle la situation de cette femme, il ne porte pas de jugement. L’étranger fatigué, le juif détesté a deviné sa blessure. Il scrute son cœur féminin avec délicatesse, sans la froisser. Il a deviné sa soif de bonheur que n’apaisent pas les amours de passage. Cet ami inconnu semble tendre la main pour lui révéler que, malgré ses expériences douloureuses, sa vie n’est peut-être pas un échec. Le Christ sait qui elle est, mais il ne la pointe pas du doigt, ne lui présente pas un miroir accusateur en disant : regarde comme tu es une pauvre misérable. Il ne lui jette pas en plein visage tout ce qui n’a pas fonctionné dans sa vie amoureuse. Il n’essaie pas de l’humilier. Au contraire, il se confie à elle. Pour redonner espoir à cette Samaritaine au puits de Jacob, Jésus transgresse tous les tabous : le tabou racial, puisqu’elle est une Samaritaine qu’il ne doit pas fréquenter, le tabou sexuel, car un homme n’adressait pas ainsi la parole à une femme en public, et le tabou religieux, puisque c’était une païenne, une pécheresse avec laquelle il risque de se souiller. Jésus est un homme libre. Il ne croit pas aux blocages définitifs, aux étiquettes blessantes, aux haines ancestrales. Comme toujours, il sait redonner l’espoir à ceux et celles qui sont abattus par les difficultés de la vie : «Venez à moi vous tous qui souffrez et ployez sous le fardeau et moi je vous soulagerai.» (Mt 11,28)Il s’agit pour Jésus de faire naître en cette femme l’être nouveau, comme il le fera pour Nicodème, Zachée et Marie-Madeleine. Jésus creuse un puits dans cette nouvelle créature, un puits qui devient source d’eau vive et de fécondité. Il lui révèle qu’elle vaut beaucoup plus que la somme de tous ses échecs.
C’est alors que Jésus lui fait deux grandes révélations: la première sur la vraie nature de Dieu :«Dieu est esprit, et ceux qui adorent, c’est en esprit et en vérité qu’ils doivent adorer». Il répond ainsi à une question que se posent beaucoup d’hommes et de femmes : Où se trouve Dieu ? Où peut-on le rencontrer ? Jésus fait entrevoir à la Samaritaine et à nous-mêmes que l’adoration du Père en esprit et en vérité, bien au-delà des querelles de peuple et de religions, ne se fera ni à Jérusalem, ni sur le mont Garizim, ni dans des lieux inaccessibles, mais ce sera chaque fois que avec un cœur sincère et droit des hommes se tourneront vers Dieu. Et que pour le trouver il faut le chercher tout au fond de notre cœur où il vient habiter, au plus intime de notre être. La seconde révélation que fait Jésus à cette femme concerne son identité propre : «Je sais, dit-elle, que le Messie doit venir, celui qu’on appelle Christ… Jésus lui répondit : C’est moi, celui qui te parle») Le Messie que les Ecritures promettaient, c’est Jésus « qui te parle ». Il te rejoint dans le quotidien, te parle avec affection, attend ta réponse
Le cœur de cette femme est sauvé. Dans sa vie superficielle, desséchée par une existence trop terre à terre, une source d’eau vive a jailli. Elle a enfin trouvé l’homme qu’elle cherchait. Elle n'a plus que faire de ce puits et de sa cruche. Elle court communiquer ce qu'elle vient de découvrir. La Samaritaine est transformée par sa rencontre avec Jésus, par le dialogue qu’elle a avec lui, et cette transformation va se manifester dans son nouveau comportement. Elle qui est venue pour puiser pour ses besoins personnels, elle repart sans eau, ou plus exactement, elle qui a puisé à l’eau vive, n’a plus besoin de sa cruche. Elle n’est plus une simple porteuse d’eau, mais la première évangélisatrice des Samaritains. Elle qui fuyait les habitants du village, elle court vers eux maintenant pour leur annoncer et leur raconter ce qui vient de se passer, pour leur annoncer la venue du Messie : « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Messie ? ». Elle se fait missionnaire, témoin de Jésus auprès de ses compatriotes. C’est elle qui va conduire les villageois à Jésus, et grâce à elle, ceux-ci pourront dire : « Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons maintenant ; nous l’avons entendu par nous-mêmes, et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde ». Une vie est donc complètement métamorphosée et la Bonne Nouvelle est parvenue aux habitants de cette ville de Samarie.Le plein midi, la chaleur, la fatigue de la route représentent, dans ce beau texte de saint Jean, notre vie difficile et monotone de tous les jours.
Qui a soif dans ce récit ? Jésus, bien sûr. Jésus se fait mendiant de cette femme et de nous. Le Dieu d’Amour demande à boire à sa créature alors que c’est elle qui a tout à recevoir de lui. Dans la symbolique de Jean, on peut comprendre ici la soif de Dieu pour l’être humain, sa recherche depuis toujours Ce désir de Jésus traduit le grand désir de Dieu qui est de se faire connaître à l’homme : «Adam, où es-tu ?» (Genèse 3, 9.) «Je suis venu pour chercher les pécheurs et les brebis perdues». (Marc 2, 17)
Cette Samaritaine qui a cherché son bonheur, sa vérité dans ses amours passagers et n'a connu que des échecs, est consumée d’une autre soif que le Christ va lui permettre d’étancher. Elle n’aura plus jamais «soif» car la source d’eau vive est en elle et elle est aimée de Dieu.
Et nous, où en sommes nous dans notre vie? Où cherchons-nous notre bonheur? Quelles soifs avons-nous? Comme pour la Samaritaine, le Seigneur peut faire jaillir une source d’eau fraîche, une fontaine de vie nouvelle : «Celui ou celle qui boira l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif, et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui, en elle, source jaillissante pour la vie éternelle.» (Jean 4, 14) Cette perpétuelle nécessité de l’eau devrait me faire réfléchir. Mon corps a soif…Mais mon âme, de quoi est-elle assoiffée ? Derrière mes besoins corporels, il y a un désir plus profond d’une autre Vie. Moi seul peux te l’offrir, affirme Jésus. Il suffit de demander. Tu n’auras pas à la rechercher : elle jaillira en toi.
Et Jésus dit aussi à la Samaritaine et à chacun de nous qui sommes à l’écoute de cette PAROLE de Dieu aujourd’hui :« Si tu savais le don de Dieu ». Le don de Dieu, est un AMOUR gratuit qui pardonne, qui instaure la paix en nous et insuffle l’ESPERANCE dans toute vie humaine. Un amour qui a fait « que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs », comme dit St Paul dans la 2e lecture. Le DON de Dieu, c’est surtout JESUS. Sur notre route pascale, nous peuple de Pèlerins, nous sommes attendus par Jésus au bord du puits où IL nous offre de l’EAU VIVE, cette EAU VIVE qui a coulé de son Cœur sur la CROIX et qui est l’Esprit de RENAISSANCE. Le jour de notre baptême, « l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné.», comme nous l’avons entendu dans le 2e lecture. Nous avons à RENAITRE à notre Baptême et chaque fois que nous sommes rassemblés en son NOM c’est la grâce de notre Baptême qui se trouve vivifiée et le don de l’Esprit qui se renouvelle en nous. Ce don gratuit de Dieu appelle une réponse de notre part : la FOI. Et cette FOI doit grandir sans cesse sous peine de s’affaiblir, de s’éteindre.
Seigneur, donne-moi de cette eau et fais grandir en moi la foi afin que, comme la Samaritaine, je puisse te faire connaître, je puisse rayonner et témoigner auprès de mes frères de ta présence en moi, et des merveilles que tu réalises chaque jour dans ma vie.
Amen
¤ Diacre René Morélot
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